Quelqu’un arrête quelqu’un et lui parle. Lui parle, encore et encore. Une urgence à dire, à faire entendre de l’amour, de la haine, tout et rien, mais parler, dire, cracher. Au clair de lune, sous la pluie, un anonyme en empoigne un autre avec une overdose de mots . A qui, pourquoi, comment?
La Nuit juste avant les forêts est une plongée dans une solitude chaotique et bruyante. Publié en 1977, le texte de Bernard-Marie Koltès est une longue phrase qui ne s’arrête pas, un flot de mots déversés par un homme seul et qui sonnent comme un ultime appel à l’aide, un cri désespéré où la violence se mêle à l’amour et la folie. Voici le cri de quelqu’un que l’on ne veut pas entendre, ou plutôt que l’on n’entend plus, tellement il est devenu omniprésent dans notre vie de tous les jours, comme s’il faisait partie du décor.
« Tu tournais le coin de la rue lorsque je t’ai vu, il pleut, cela ne met pas à son avantage quand il pleut sur les cheveux et les fringues, mais quand même j’ai osé, et maintenant qu’on est là, que je ne veux pas me regarder, il faudrait que je me sèche, retourner là en bas me remettre en état – les cheveux tout au moins pour ne pas être malade, or je suis descendu tout à l’heure, voir s’il était possible de se remettre en état, mais en bas sont les cons, qui stationnent »